samedi 23 janvier 2010

Intervention de Patrick CANIN,
Maître de conférences à la Faculté de droit de Valence,
le vendredi 29 janvier 2010, de 9h30 à 11h30 sur le thème
"De Nüremberg à La Haye : regards sur la justice pénale internationale",
dans le cadre de la formation "Enseigner les génocides",
organisée par le Centre du Patrimoine Arménien de Valence,
les 28 et 29 janvier 2010.
DEFENSE DES JOURNALISTES DE FR3
DEFENSE DE LA LIBERTE D'INFORMATION

N. Sarkozy a promis d'aller chercher lui-même, dans les divers pays où ils sont détenus, les ressortissants français qui ont été condamnés pour des crimes et délits de droit commun par les juridictions compétentes de ces pays. Cette intention peut paraître louable si l'on songe à la situation des établissements pénitentiaires où ils sont détenus qui, dans bien des cas, est attentatoire à la dignité humaine. Mais convenons aussi que les lieux de privation de liberté, en France, ne sont souvent pas dans un meilleur état puisque tant le Conseil d'Etat que la Cour européenne des droits de l'homme ont condamné l'Etat français pour traitements inhumains ou dégradants. En revanche, s'agissant des journalistes innocents de FR3 enlevés en Afghanistan, le pouvoir fait montre d'une sévérité inattendue et inexplicable. Selon le secrétaire-général de l'Elysée, les journalistes auraient commis "une imprudence coupable", ils auraient fait "courir des risques" (sic) à nos forces armées en recherchant "le scoop à tout prix" (voir Le Canard enchaîné n°4656 du 20 janvier 2010, page 1). Il faut rappeler, à cet égard, que la mission d'un journaliste reporter est de se rendre sur le "théâtre des opérations" pour constater, puis pour transmettre son témoignage aux lecteurs ou téléspectateurs, même si le pouvoir aurait aimer le silence. Il en va de la liberté de l'information. Dans un Etat de droit, il n'appartient pas aux gouvernants de dicter aux médias ce qu'ils doivent faire. Le reporter est libre de son sujet et de la manière de l'aborder. Au directeur du journal qui lui reprochait d'avoir écrit un article qui n'était pas dans la ligne rédactionnelle, le grand reporter que fut Albert Londres répondit : "Monsieur le Directeur, je ne connais qu'une ligne, celle du chemin de fer...". La liberté est inscrite dans les déclarations et chartes des droits fondamentaux. Plutôt que de stigmatiser une nouvelle fois une profession, c'est sur la solidarité à l'égard de nos compatriotes que les gouvernants auraient dû mettre l'accent. Au fait, qui avait laissé entendre que l'Afghanistan était devenu un pays pacifié ?

vendredi 22 janvier 2010

UNE REVOLUTION JUDICIAIRE A VENIR : L'INDEPENDANCE DU PARQUET


La Cour européenne des droits de l'homme, dans l'un de ses grands arrêts (CEDH 10 juillet 2008, affaire Medvedyev et autres contre France, requête n°3394/03), qui a été l'objet d'un recours de la France devant la Grande Chambre (affaire plaidée le 6 mai 2009 et mise en délibéré) a considéré que "le procureur de la République n'est pas une "autorité judiciaire" au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion : comme le soulignent les requérants, il lui manque en particulier l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif pour être ainsi qualifié". Dans cette affaire complexe, les membres de l'équipage d'un cargo battant pavillon cambodgien avaient été arrêtés, au large du Cap-Vert, par la marine française dans le cadre de la lutte internationale contre le trafic de stupéfiants. Ils avaient contesté devant la Cour européenne des droits de l'homme, après épuisement des voies de recours internes, les conditions dans lesquelles ils avaient été placés en garde à vue estimant avoir été privés arbitrairement de leur liberté. La Cour a considéré, à l'unanimité, qu'il y avait bien eu, de ce point de vue, violation de l'article 5§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 selon lequel "Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : ... c) s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente". Or, selon la Cour, la loi française ne plaçait pas les conditions de privation de liberté des requérants sous le contrôle d'une "autorité judiciaire". Cet arrêt remet ainsi en cause le parquet français tel qu'il est structuré depuis des siècles.
L'origine du ministère public remonte, en effet, à l'institution des procureurs et avocats du roi au XIVème siècle. Il est organisé de manière hiérarchique, c'est-à-dire qu'un devoir d'obéissance lie l'inférieur au supérieur et, au sommet de la pyramide, se trouve le garde des sceaux qui, bien que ne faisant pas partie du ministère public, dispose du pouvoir de donner des instructions particulières dans les affaires judiciaires, ce dont il ne se prive pas, comme l'ont montré des affaires récentes. Le principe hiérarchique est cependant tempéré par les pouvoirs propres de chaque chef de parquet et la règle, plus symbolique qu'utile, selon laquelle "la plume est serve mais la parole est libre". Le statut des membres du ministère public porte en lui cette ambiguïté voire cette contradiction : magistrats de l'ordre judiciaire selon l'ordonnance de 1958, ils sont aussi des fonctionnaires publics de par leur devoir d'obéissance. Or c'est bien cette dépendance, en dernier ressort à l'égard de l'exécutif, qui pose fondamentalement problème, et qui empêche ainsi ce corps d'être une "autorité judiciaire".
Une réforme s'impose donc d'urgence, alors surtout que les pouvoirs publics entendent faire du ministère public le pivot d'une procédure pénale refondue où la fonction de juge d'instruction serait amenée à disparaître. La suppression du "cordon ombilical" avec le pouvoir exécutif (la "voix" du ministère) devient inévitable. Deux voies conduisent à l'indépendance du parquet. D'une part, les magistrats du ministère public ne doivent plus recevoir des "instructions" et "injonctions" personnelles (concernant telle affaire déterminée) que "le ministre juge (sic) opportunes" (article 30, alinéa 3, du Code de procédure pénale, manifestation surannée de l'ingérence du politique dans le judiciaire et de la survivance du bon plaisir du Prince). Le garde des sceaux doit cesser d'être le supérieur hiérarchique des procureurs. Seules les "instructions générales" sont admissibles, car la politique pénale relève effectivement du gouvernement (article 20 de la Constitution de 1958 : "Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation", et article 30, alinéa 1er, du Code de procédure pénale : "Le ministre de la justice conduit la politique d'action publique déterminée par le Gouvernement" et "Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République") et du Parlement. D'autre part, la nomination, l'avancement et la discipline des membres du ministère public doivent relever exclusivement du Conseil supérieur de la magistrature, comme c'est déjà le cas pour les magistrats du siège. Par cette mesure qui nécessite une révision constitutionnelle, le corps judiciaire trouverait enfin son unité.
Pour la nomination et l'avancement, le Conseil supérieur de la magistrature doit être compétent pour faire des propositions pour les hauts magistrats du parquet (procureur général et avocats généraux de la Cour de cassation, procureurs généraux des cours d'appel, procureurs de la République), et donner des avis conformes pour les autres membres du parquet. Enfin, s'agissant de la discipline, elle doit relever de la formation permanente du parquet du Conseil supérieur de la magistrature (et non plus du garde des sceaux), présidée par le procureur général de la Cour de cassation. L'indépendance du parquet ne signifie pas pour autant sa toute-puissance, puisque, depuis la réforme constitutionnelle lacunaire du 23 juillet 2008 (article 65, alinéa 10, Constitution 1958), le Conseil supérieur de la magistrature peut aussi être saisi par tout justiciable.
Et si les pouvoirs publics, malgré l'arrêt Medvedyev et autres (lorsqu'il sera confirmé par la Grande Chambre) faisaient finalement la sourde oreille ? Ils prendraient sans doute le risque d'une nouvelle condamnation par la Cour et surtout, la Convention européenne des droits de l'homme ayant, comme tout traité, une "autorité supérieure à celle des lois" (article 55 de la Constitution), les tribunaux nationaux ne pourraient que faire prévaloir la Convention (la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne proclamée à Nice le 7 décembre 2000 par le Parlement européen, le Conseil et la Commission) qui, selon le Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007, a une valeur juridique identique à ce dernier, comporte des dispositions similaires) et remettre en cause les pouvoirs du parquet qui lui sont octroyés de lege lata (en droit positif) par le Code de procédure pénale (garde à vue, contrôle d'identité, composition pénale...) et qui, de lege feranda (en droit futur), leur seraient octroyés.

Patrick CANIN - Maître de conférences à la Faculté de droit de Valence

samedi 16 janvier 2010

Jean-Marie Colombani reçoit LIONEL JOSPIN,
ancien premier ministre,
à propos du livre "Lionel raconte Jospin",
émission diffusée le 15/01/10,
sur PUBLIC SENAT, cliquez sur :
http://www.publicsenat.fr/vod/emissions/jean-marie-colombani-invite/lionel-jospin,ancien-premier-ministre/lionel-jospin/63557

samedi 9 janvier 2010

LE FIASCO SANITAIRE DE Madame BACHELOT

Ce fiasco sanitaire résulte d'une très mauvaise gestion publique par la ministre. Est-ce le précédent de l'affaire du "sang contaminé" et la crainte d'être poursuivie devant la Cour de justice de la République (compétente, depuis la réforme constitutionnelle de 1993, pour connaître des crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions par les membres du gouvernement) et le principe de précaution poussé à son extrême qui ont ainsi conduit la ministre à sa désastreuse gestion de la pandémie du H1N1 ? S'agissant de la résiliation des commandes de 50 millions de vaccins, il faut savoir que, contrairement à ce que sous-entend le ministère, elle aura un coût pour les finances publiques. En effet, si la jurisprudence administrative, en matière de contrats administratifs, reconnaît à l'Administration un pouvoir de résiliation unilatérale pour un motif d'intérêt général, c'est à la condition que soit réparé par elle le préjudice subi par le cocontractant (en l'occurrence, les laboratoires pharmaceutiques) : principe d'équation financière. Ce préjudice doit, selon la jurisprudence, être réparé dans sa totalité c'est-à-dire qu'il comprend à la fois la perte subie (damnum emergens) et le manque à gagner (lucrum cessans). La politique gouvernementale risque une nouvelle fois de grever les finances publiques. On est loin du respect des principes découlant de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Voir les articles parus dans la dernière livraison du Canard enchaîné (édition du mercredi 6 janvier 2010, page 3) et intitulés : - "Bachelot n'est pas vaccinée contre les bobards. C'est le jour même de sa prestation télévisée que la ministre a annulé la commande de 50 millions de vaccins" ; - "Les experts en cagoule de la grippe A".

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL
CENSURE LA TAXE CARBONE
(décision n°2009-599 du 29 décembre 2009)

Après avoir rappelé les termes des articles 2 et 4 de

la Charte de l'environnement de 2004 (qui fait partie
intégrante du "bloc de constitutionnalité" que les
pouvoirs publics doivent respecter en toute
circonstance qui s'y prête : le Conseil indique
en effet que "l'ensemble des droits et devoirs définis

dans la Charte de l'environnement a valeur
constitutionnelle") et fait référence au principe
d'égalité, le Conseil constitutionnel censure l'article
7 de la loi de finances déférée aux motifs :
"Considérant que des réductions de taux de

contribution carbone ou des tarifications spécifiques
peuvent être justifiées par la poursuite d'un intérêt
général, tel que la sauvegarde de la compétitivité de
secteurs économiques exposés à la concurrence
internationale ; que l'exemption totale de la
contribution peut être justifiée si les secteurs
économiques dont il s'agit sont
spécifiquement mis à contribution par un
dispositif particulier ; qu'en l'espèce si certaines
des entreprises exemptées du paiement de la
contribution carbone sont soumises au système
d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de
serre dans l'Union européenne, il est constant que
ces quotas sont actuellement attribués à titre
gratuit et que le régime des quotas payants
n'entrera en vigueur qu'en 2013 et ce,
progressivement jusqu'en 2027 ; qu'en
conséquence, 93 % des émissions de dioxyde
de carbone d'origine industrielle, hors
carburant, seront totalement exonérées de
contribution carbone ; que les activités
assujetties à la contribution carbone
représenteront moins de la moitié de la
totalité des émissions de gaz à effet de
serre ; que la contribution carbone portera
essentiellement sur les carburants et les produits
de chauffage qui ne sont que l'une des sources
d'émissions de dioxyde de carbone ; que par
leur importance, les régimes d'exemption
totale institués par l'article 7 de la loi
déférée sont contraires à l'objectif de
lutte contre le réchauffement climatique
et crée une rupture caractérisée de
l'égalité devant les charges publiques...".
En effet, les règles posées par la loi déférée ne

pouvaient qu'être censurées par le Conseil
constitutionnel. Elles comportaient une
contradiction manifeste avec l'objectif de
la contribution carbone qui, selon les
travaux parlementaires eux-mêmes, était de
mettre en place des instruments permettant
de réduire significativement les émissions de gaz

à effet de serre afin de lutter contre le
réchauffement de la planète.
Pour atteindre cet objectif, il avait été retenu

l'option d'instituer une taxe additionnelle sur la
consommation des énergies afin que les
entreprises, les ménages et les administrations

soient incitées à réduire leurs émissions.
C'est en fonction de l'adéquation des
dispositions critiquées à cet objectif que le
Conseil constitutionnel a examiné la
constitutionnalité de ces dispositions.
De manière générale, on ne peut que conseiller

au gouvernement d'améliorer la qualité
rédactionnelle des textes, d'avoir recours à des
juristes compétents en matière de droit
constitutionnel (particulièment en matière de
contentieux constitutionnel), de laisser aux
parlementaires le temps d'examiner les projets
de lois plutôt que de les presser dans leurs
délibérations pour respecter des stratégies
électorales à courte vue. La politique des
annonces médiatiques conduisant à des lois
baclées et violant les règles constitutionnelles,
européennes ou internationales doit enfin cesser.
Un film à voir d'urgence !
WALTER, RETOUR EN RESISTANCE
Film documentaire de Gilles Perret
Extrait du Monde diplomatique de Janvier 2010
(article de Philippe Descamps intitulé :
"Dire "non" aujourd'hui comme hier") :
"...Pour montrer comment les discours consensuels
autour de la Résistance permettent d'occulter le
démontage pièce par pièce des lois sociales de 1945,
Perret rencontre son voisin Walter Bassan dans l'école
communale de Mieussy. "Ce combat commencé à 16 ans,
je le continue". A 82 ans ...".