vendredi 15 juillet 2011

LA JUSTICE PENALE
DES MINEURS
DEFIGUREE !
On enseigne habituellement, dans les facultés
de droit, que "le droit pénal des mineurs est le
droit pénal des majeurs de demain" pour
signifier d'une part, que des institutions
applicables aux mineurs délinquants
préfigurent souvent celles qui relèveront
du droit pénal des majeurs (par exemple, la
liberté surveillée à laquelle le sursis avec mise
à l'épreuve emprunte de nombreux traits, ou
l'ajournement de peine) et d'autre part, que le
mineur deviendra majeur et, par conséquent,
il faut profiter de sa minorité pour sa réinsertion
sociale par des mesures ou des sanctions
éducatives.
Or, l'évolution sécuritaire, dont le tournant
peut être fixé à 2002, montre que c'est le droit
pénal des majeurs qui exerce désormais son
influence sur le droit pénal des mineurs au
risque de remettre en cause les fondements
juridiques et la philosophie de ce droit.
La réforme du jugement des mineurs que le
Parlement vient d'adopter, dans le cadre
d'une procédure accélérée, est à ce point
édifiante qu'elle défigure la justice pénale
des mineurs. La loi amende une nouvelle
fois l'ordonnance du 2 février 1945 (déjà
modifiée plus d'une trentaine de fois) sur
l'enfance délinquante.
La loi institue, en effet, à titre expérimental
(entre le 1er janvier 2012 et le 1er janvier
2014, dans au moins deux et au plus dix cours
d'appel), un tribunal correctionnel pour
mineurs compétent en matière de délits punis
d'une peine de trois d'emprisonnement
(seuil très facilement atteint en pratique)
commis par les mineurs âgés de 16 à 18 ans
qui se trouveront en état de récidive légale.
Ce nouveau tribunal sera composé d'un
président (juge des enfants) et de deux
assesseurs magistrats auxquels seront
adjoints deux citoyens assesseurs pour
certaines affaires.
La majorité du tribunal sera donc constituée
de membres non spécialisées dans l'enfance
délinquante alors que le tribunal pour enfants,
compétent jusqu'alors comprend un président
(juge des enfants) et deux assesseurs non
magistrats choisis en raison de l'intérêt qu'ils
portent aux questions de l'enfance.
D'autres dispositions de la loi renforcent la
répression : procédure de comparution
immédiate applicable aux mineurs de plus de
treize ans, placement plus aisée des mineurs
âgés de 16 à 18 ans dans un centre éducatif
fermé et assignation à résidence avec
surveillance électronique fixe. Enfin, les
parents sont eux-mêmes stigmatisés
puisqu'ils pourront être amenés par la force
publique devant la juridiction s'ils ne défèrent
pas à une convocation.
Ces dispositions (et d'autres) placent la France
en totale contradiction avec les règles
supérieures internationales (Convention
internationale des droits de l'enfant du
20 novembre 1989 qui fait état de "l'intérêt
supérieur de l'enfant" et impose la mise en
place de procédures et institutions
"spécialement conçues pour les enfants"),
européennes et constitutionnelles
(le Conseil constitutionnel a, plusieurs fois,
considéré qu'une "juridiction spécialisée
pour les mineurs" et des "mesures
appropriés" pour eux constituent un principe
fondamental reconnu par les lois de la
République que le législateur doit respecter
en toute circonstance qui s'y prête.
Le Comité des droits de l'enfant de l'ONU
avait déjà, dans un rapport de juin 2010,
demandé à la France "de ne pas traiter les
enfants âgés de 16 à 18 ans différemment
des enfants de moins de 16 ans".
Comme l'exprime la Commission nationale
consultative des droits de l'homme dans un
avis rendu en assemblée plénière le 23 juin
2011, cette loi est "une réponse inappropriée
et inefficace aux problèmes de délinquance
des mineurs, qui mériteraient une réflexion
approfondie". On ajoutera que, participant
des politiques publiques sécuritaires de
discipline et de contrôle social, cette loi est
liberticide.

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